Article du Luxemburger Wort du 21 septembre 2012 par H. van Heel

La verve et l’ironie de Mozart

L’Operalab de l’association «Nei Stëmmen» présente «Les Noces de Figaro»

PAR HILDA VAN HEEL (Version PDF)

Mise en scène captivante, voix
jeunes et bien timbrées, justesse
d’intonation, beauté des décors:
tout concordait dans la représentation des «Noces de Figaro» que «Nei Stëmmen», association qui veut promouvoir la culture vocale
et musicale au Grand-Duché, nous a offertes dans la salle Krieps, dont l’acoustique soutenait bien les voix.

Le projet, lié aux «Cours internationaux de perfectionnement pour chanteurs et pianistes accompagnateurs » était ambitieux, aussi les professeurs de renommée internationale – Luisa Partridge- Mauro, Mireille Alcantara, Monica Lukacs, Umberto Finazzi et Cordelia Huberti… – ont-ils réussi à créer un merveilleux jeu d’ensemble en peu de temps, un espace où les jeunes chanteurs semblaient animés d’un seul élan, où la complexité des relations psychologiques et l’intérêt de l’action, toujours fluide et animée, se joignaient dans cet esprit de générosité, de vie chatoyante et d’ironie propres à cet opéra de Mozart.

La direction musicale d’Umberto Finazzi, la mise en scène de Laura Cosso, les oeuvres et décors de Marie-Josée Kerschen, les costumes de Juik Jung et Filomena Domingues: tout concourait pour créer une atmosphère aux multiples facettes qui donnait aussi son importance aux moments graves de cet «opera buffa» qui est également une satire politique et sociale, bien que cette dernière ait été fortement atténuée par rapport au texte de Beaumarchais. Il reste cet esprit de justice et de révolte que Figaro exprime dans l’air «Se vuol ballare, Signor Contino» lorsqu’il comprend que le comte a des intentions galantes à l’égard de sa jolie et spirituelle fiancée Susanna.

Poignant

La situation est exposée avec verve dès la première scène: Figaro, valet de chambre du comte Almaviva, et Susanna, femme de chambre de la comtesse, vont se marier. Figaro mesure les dimensions de la chambre où ils placeront le lit. La musique rend une palpitation hâtive, le dialogue de Figaro et Susanne est rapide et spirituel. Dans le rôle de Figaro, le baryton Manuel Betancourt faisait revivre ce personnage sympathique, indépendant, plein de vie et d’humour. Sa voix pleine et sa puissance expressive, ses notes basses chaleureuses et son jeu très naturel, faisaient merveille. Susanna, la soprano Dorela Cela, à la voix souple et pure, très mélodieuse, donnait une joie de vivre contagieuse au personnage de soubrette très féminin, agile et délicieux. Elle formait un contraste saisissant avec le personnage de la comtesse, interprété par la soprano Marie-Caroline Kfoury, artiste sensible à la voix chaleureuse, qui incarnait ce personnage noble, d’une fragilité touchante, avec grande sincérité. «Porgi amor», où elle exprime son amour et son désespoir, est un des plus beaux airs de Mozart, tout comme le poignant «Dove sono».  On a beaucoup aimé le ravissant duo comtesse – Susanna dans la scène de la lettre au troisième acte. Le comte Almaviva, épris de Susanna, était joué par Laurent Arcaro, acteur à la voix somptueuse et bien timbrée. Son rôle acquiert une profondeur dramatique dans les dialogues avec son épouse. La diversité des personnages fait lui aussi l’attrait des opéras de Mozart; Cherubino, page du comte, joué par Mayuko Sakurai, à la voix claire et éloquente, est un de ces caractères exceptionnels qui donnent une dimension humaine à deux arias très connus, «Non so più» et «Voi che sapete». On admirait le jeu d’ensemble, la chorégraphie précise et animée des mouvements de scène, la musicalité du choeur «Nei Stëmmen ». N’oublions pas les accompagnatrices: la pianiste Miyuki Omori et la claveciniste Chiara Esposito, infatigables lors de cette longue soirée.